(crosa) sinner.

elle vient de sortir et suite à ce message, les photos pleuvent, car après tout, c'est ce qu'il avait demandé. elle n'était pas vraiment sortie depuis sa victoire pendant les jeux de la purge auquel elle a participé (contre son gré). toujours bien habillée, bien apprêtée. la tentation d'une rencontre fortuite est déjà là, mais pas aujourd'hui, pas alors que c'est le premier jour où elle sort. cross espère simplement qu'elle ressortira le lendemain et les jours qui suivront. voir comment elle reprend le cours de sa vie. voir comment il peut s'immiscer dedans, surtout.

il prend son mal en patience. se concentre sur le chargement qui arrive mercredi. s'assurer que tout se passe bien, qu'il n'y a pas d'imprévu et savoir trouver une alternative si imprévu il y a. ce serait sa responsabilité s'il y avait un problème. pour ça qu'il a toujours au moins deux alternatives déjà prêtes. au cas où. son père lui a toujours appris à tout prévoir, à penser à toutes les éventualités et chaque chose que son père lui a appris a dû être retenue. quitte à recommencer encore et encore. alors quand tout se passe bien mercredi et qu'il voit qu'elle continue à aller travailler, il se dit que c'est bien mérité de la croiser.

cross repasse par chez lui pour se changer peu avant la débauche de sara. il enfile un pull ralph lauren, une veste par-dessus et un pantalon. il sait qu'elle travaille pour la marque et ose imaginer que ça lui inspirera confiance, qu'elle se dira qu'il a du goût s'il a opté pour la marque pour laquelle elle travaille. il a hésité à se mettre en tenue de sport, faire semblant de faire son footing pour lui rentrer malencontreusement dedans. mais non, ça la surprendrait et lui ferait surement peur. le but, c'est de lui inspirer confiance. il se demande à quoi elle ressemble en vrai, de près. comment sonne sa voix. son odeur. voir comment le bleu de ses yeux varie selon la lumière qu'il rencontre. avoir chaque détail. l'avoir elle.

au loin, il la repère déjà sur son banc habituel, en train de dessiner. comme elle l'a fait ces derniers jours. il a envie de voir à quoi ses croquis ressemblent. remercie le destin quand tous les bancs alentour sont déjà pris. fait mine d'être occupé à envoyer des messages sur son téléphone. "vous permettez ?" demande-t-il avant de s'asseoir, même s'il s'assoit quand même. le sourire est bienveillant, rassurant — innocent. reporte son attention sur son téléphone une fois installé avec une certaine distance. il ne veut pas envahir son espace personnel. enfin, si, il aimerait, mais pas comme ça, pas maintenant. au bout de plusieurs minutes, il soupire, range son téléphone, croise les bras et détourne le regard vers elle. vers ce qu'elle dessine surtout. "vous avez beaucoup de talent." c'est indéniable. "j'espère que votre journée a été meilleure que la mienne." ajoute-t-il, pour ouvrir la conversation. espère qu'elle mordra à l'hameçon. au moins un minimum.

Ça va aller.

"Il peut rien t’arriver, Sara. La Purge est finie. Tout est redevenu normal." C’est ce que papa te dit, les mains sur tes épaules, derrière toi, tous deux face au miroir de ta chambre.

Tout est redevenu normal.
Vraiment ?

Rien n’est plus pareil depuis cette nuit là.
C’était pas censé t’arriver. Pas à toi.
Pourtant, c’est toi qu’on a embarquée, ce soir là.
Et pour toi, tout n’est pas redevenu normal.

Sauf que tu ne peux pas rester cloîtrée indéfiniment entre les quatre murs de ta chambre. Ta patronne a été suffisamment compréhensive et patiente, mais tu comprends qu’au bout d’un moment, il faut revenir au travail. Peut-être que ça te fera du bien, qui sait. Peut-être que ça t’aidera à penser à autre chose.

La grande inspiration, la main serrée sur la hanse du sac à ton épaule quand tu sors de la maison. Les talons claquent sur le bitume jusqu’à ce que tu t’engouffres dans le métro ; le même qui t’a fait défaut, le soir de la Purge.

On te demande comment tu vas, si t’as bien récupéré, si t’as besoin de parler… et pour toi qui n’aimes pas vraiment être au centre de l’attention et préfères rester dans l’ombre, c’est compliqué. Les petits sourires presque gênés adressés aux concernés, un hochement de tête et un 'oui, ça va, merci' peu véridique. "Il s’est passé quoi exactement du coup ?" "Liam, c’est pas une question à poser. Désolée, oublie ce qu’il vient de dire." Et tu continues ta route. Essayes d’ignorer les regards, les murmures, les interrogations qui se trament partout où tu passes.

Le seul moment où t’es tranquille, c’est quand tu quittes les bureaux et que tu passes par Central Park. Personne qui se retourne sur toi, personne qui te parle, personne qui te connaît. La paix est retrouvée au milieu de la verdure, face au lac.

Alors ça devient ta nouvelle habitude. Pour faire taire le brouhaha de la journée, tu t’arrêtes un moment ici. Assise sur ce banc, les reflets dans l’eau, le carnet de dessin entre les mains. Paisible.

"vous permettez ?" Du mal à comprendre que c’est à toi qu’on parle, tant t’es concentrée sur le papier. Mais l’inconnu prend déjà place à tes côtés. Tu lances un regard aux bancs alentours ; indisponibles. Bon. Il t’adresse un sourire, t’en renvoies un très léger par politesse, plutôt crispé, avant de reporter ton attention sur la silhouette que t’es en train d’habiller de bleu pailleté.

Les minutes passent et restent silencieuses ; à l’exception des bruits naturels environnants et de tes feutres qui grattent le papier. "vous avez beaucoup de talent." Tu relèves l’attention sur lui, le vois en train de regarder ce que tu fais. "Merci." que tu te contentes de répondre, non sans qu’un petit sourire vienne naturellement étirer tes lèvres face au compliment. "j'espère que votre journée a été meilleure que la mienne." Il a presque les sourcils froncés, semble préoccupé. Tu hausses un peu les épaules. "Je pourrais pas vraiment dire, étant donné que je ne sais pas pour la vôtre, mais la mienne n’était pas grandiose non plus." Pas horrible ni dramatique, mais fatigante émotionnellement. Quant à lui… tu ne sais pas qui il est ni ce qu’il fait de ses journées, alors ça se trouve, il a eu une journée bien pire que tes petits soucis d’énergie et d’attention. "Joli pull." que tu t'autorises à préciser, petit sourire aux lèvres. Pas besoin de voir le logo caché par sa veste pour reconnaître les torsades caractéristiques de la marque pour laquelle tu travailles.