inconstant désaccord - tamika

 Journée compliquée, journée qui le laisse poisseux, fatigué. La douche qui s'ra pas une option ce soir. Il traine pourtant ses fesses non loin de chez lui, jusqu'à ce pub qu'il fréquente souvent. Un endroit à la mode, toujours bondé de monde. Rendez vous avec lui même improvisé. Histoire de s'fourrer une bière dans le gosier avant de rentrer dans la solitude de son petit chez lui. Enfin petit, quand on y songe, c'est toujours plus glorieux que le trou à rats dans lequel il vivait quand il était gamin. Sept mioches entassés les uns sur les autres dans deux chambres trop petites pour les accueillir. Il s'installe au bar pour passer sa commande, souvent la même, une IPA à un degré d'alcoolémie raisonnable. Il n'en prendra de toutes façons qu'une seule, l'ivresse qui n'est pas dans son quotidien. Les ravages de l'alcool, il les connait trop bien pour se laisser tenter par l'expérience, un peu comme ceux de la drogue qu'il vient parfois fournir autour de lui. S'il doit crever, il préfèrerait que ce soit d'une façon plus digne qu'une overdose ou une cirrhose du foie.

Ses yeux tapissent la pièce rapidement, les iris qui filent plus longuement sur la silhouette installée juste à côté de lui. Visage familier. Pourtant, il ne lui a jamais adressé la parole. Il lui faut quelques secondes pour que les connexions se fassent dans son cerveau et qu'il reconnaisse le visage de la rébellion anti-purge. Elle qui s'affiche stupidement -de son point de vue- pour prôner autre chose que ce mode de fonctionnement. Et ce soir, il est d'humeur à la discorde, prêt à la traiter d'idiote un peu politisée avec son mégaphone. tu te bats contre du vent tu l'sais ? Epaule qu'il hausse.. tout ce que tu vas gagner, c'est d'te faire buter. Sa bière arrive finalement devant lui avant qu'il ne la porte à sa bouche pour en avaler une large gorgée. Insolence et arrogance qui traine dans le fond de sa gorge. Propos qu'il décime sans vraiment vouloir entendre le fond de la pensée de l'autre. Loin de penser qu'il se frotte sans doutes à plus forte que lui. Sujet qu'il ne maitrise pas vraiment, mauvaise foie qui cause pour lui, juste pour faire réagir et mettre un peu de piment dans la morosité d'son existence. A voir si le poisson mort à l'appât le temps de quelques échanges. Parce qu'elle pourrait tout à fait choisir d'l'ignorer le p'tit con.

Devant cette scène macabre, les mains souillées de sang et le regard désespéré qui implore son assistance, Tamika demeure pétrifiée, figée par le souvenir récent où elle sollicitait l'aide du voisin de sa mère pendant la purge. Cette nuit-là, elle avait craint pour sa vie et depuis, les séquelles de cette angoisse persistaient. Bien consciente que son rôle de porte-parole la rendait vulnérable, elle avait néanmoins cultivé le sentiment d'être inébranlable, invincible. Ce n'est qu'avec cette arme pointée contre son front qu'elle avait finalement pris la mesure de sa fragilité. Le long bip du monitoring brise le fil de ses pensées. Tamika s'active, exécutant les gestes du massage cardiaque en attendant l'arrivée du médecin. Cependant, l'inévitabilité du décès se fait rapidement sentir. On l'interpelle en touchant légèrement son épaule pour lui signifier d'arrêter et l'heure du décès est annoncée. Dans un état d'âme éprouvant, Tamika se retire dans la salle de pause, les larmes aux abords. Perdre un patient a toujours été une épreuve, mais ce soir-là, la douleur est particulièrement aiguë. Après avoir accordé une courte minute prolongée à son chagrin, elle ravale tout ressentiment, retire sa blouse maculée de sang qu'elle jette dans le conteneur prévu à cet effet, puis rassemble ses affaires. Sa journée s'achève. Ses pas la dirigent instinctivement vers la bouche de métro la plus proche, ses pensées errant au-delà des réalités immédiates. Le métro, fréquenté comme à l'accoutumée aux heures de pointe, lui semble plus oppressant aujourd'hui. Les images du patient décédé s'entremêlent à des souvenirs de la dernière purge. Sa respiration s'accélère, son cœur s'emballe. Une crise d'angoisse la saisit, une sensation depuis longtemps oubliée. Peinant à maîtriser ses émotions, elle se hâte vers la sortie dès l'ouverture des portes. S'appuyant sur la première rambarde à sa portée, elle remplit ses poumons du peu d'air qu'elle peut saisir. Après cinq minutes d'intense épreuve, elle retrouve ses esprits et, levant les yeux, réalise qu'elle a atteint le quartier de Brooklyn.

Installée sur le premier tabouret disponible dans ce bar animé, Tamika a choisi de différer son retour chez elle. La nécessité de faire le vide dans son esprit la retient, et bien que l'alcool n'ait jamais été son penchant, elle n'hésite pas à accepter un verre de vin pour préparer mentalement son retour à la réalité. Elle détonne au sein de ce bar bruyant, où chacun semble exulter à l'idée de partager un moment avec ses proches. Tamika, quant à elle, est loin de respirer la joie de vivre en ce moment. Un sourire poli s'échappe de ses lèvres lorsqu'elle est servie, mais elle est interpellée par une remarque provenant d'un individu assis à ses côtés. Elle tourne la tête vers lui, un individu à peine plus âgé qu'elle, affichant un air suffisant. Habituée à faire face à ses détracteurs au quotidien, Tamika choisit généralement de les ignorer afin de ne pas leur accorder d'importance, surtout lorsqu'elle est seule. Cependant, ce soir, son état d'esprit est différent. Elle pivote légèrement sur son tabouret pour lui faire face. « D’après les statistiques de la dernière Purge, le taux de participation a considérablement diminué tandis que le mouvement a pris plus de 20% de popularité en plus dans tous le pays. » Ces chiffres ne sortent pas de son imagination ; ils ont été largement diffusés pendant plusieurs jours sur tous les médias, où elle a d'ailleurs eu l'occasion de s'exprimer en se réjouissant de cette baisse, tout en soulignant que seule l'abolition totale de la Purge de la Constitution la satisferait. « C’est toujours plus facile de ne rien faire, n’est-ce pas ? » Elle emploie le même ton arrogant que son interlocuteur, ne se sentant pas menacée compte tenu de l'affluence dans le bar. Ce soir, ce n'est vraiment pas le moment de la provoquer.

Gamin déglingué qui suscite la haine. Enfance qui l'a bousillé pour n'laisser que les séquelles, les plaies béantes et les cicatrices. Le chaos le grignote de l'intérieur et la seule personne capable de lui donner un semblant d'humanité semble avoir tiré un trait sur sa carcasse, alors il fait quoi maintenant ? Il les épouse, ces petites voix dans sa tête qui lui disent parfois d'tout brûler. Il roule des yeux quand l'autre vient lui sortir ses statistiques à la mord moi le nœud. Ils savent pertinemment que les dés sont pipés d'ce côté là. Oscar qui croit guère à ce genre de truc. Simplement parce que les individus qui pondent ces trucs choisissent la partie de la population qui répondra favorablement, histoire de pouvoir influencer les esprits les plus dociles. Comme elle visiblement. t'étais dehors y'a deux semaines ? Non parce que lui oui. Pas longtemps mais assez pour manquer de peu de se faire ôter la vie. tes statistiques sont surement erronés. Sûr de lui, insolence et arrogance qui le caractérise alors qu'il la surplombe bien d'une tête, même assis. ça s'arrêtera jamais, c'est allé trop loin. Aucune marche arrière possible et elle gagnera du temps et de la salive si elle se fait une raison au plus vite. C'est pour elle qu'il dit ça lui, pour lui épargner quelques déceptions. qui te dit que je n'fais rien ? sourire narquois sur le visage. Rien pour la globalité des individus qui peuplent NY, c'est un fait mais pour son propre cas par contre, il continue de fouiner pour détruire ceux qu'ils considèrent comme responsables de sa déchéance.

Deuxième gorgée qu'il porte à sa bouche avant de se tourner vers la salle. Il vient montrer un petit vieux du doigt : peut être bien qu'lui a violer une gamine. Il hausse les épaules et elle là, elle a pas voulu ouvrir à son mari alors qu'il était en train de se faire égorger. que des suppositions, il pourrait continuer ainsi des heures durant, parce que c'est un fait aujourd'hui, la cruauté de cette soirée a atteint des sommets et le pire dans cette affaire, c'est que c'est aujourd'hui devenue une presque normalité de sortir tranquille de chez soit avec une batte à la main. alors je réitère, tu perds vraiment ton temps, après si t'as rien d'mieux à foutre que nous crier des banalités dans les oreilles, grand bien te fasse. qu'il lâche presque sereinement, les atrocités de ce monde qui ne le touche plus vraiment. Comme anesthésié. t'as perdu qui ? Pour être aussi investie dans la cause, c'est forcément l'cas d'après lui. Puis qui aujourd'hui est capable de dire qu'il n'a pas du subir un deuil suite à une de ces nuits d'horreurs ?