as hard as you can. (gabrielle)

Soirée entachée. Crainte au creux du ventre d'le perdre ce morveux. Addiction sournoise, des traits de caractères en commun avec le vieux. Il dit rien. Il ferme sa gueule Oscar quand il voit le p'tit se détruire à petit feu, comme s'il n'en avait rien à foutre. C'est pas l'cas. Ca n'a jamais été le cas. Pas forcément proche, il serait près à lui filer un rein à cet abruti si ça s'avérait nécessaire. Le pire est passé. Il s'en sortira. Cette fois en tout cas l'overdose n'aura pas eu raison d'lui. Même si l'cerveau enraillé risque d'en subir quelques séquelles. Il compose le numéro d'Gabrielle qui doit le chercher partout sans avoir de réponse. Alors il fait l'choix d'aller la voir au Shelter, après tout, c'est là bas qu'elle passe le plus clair de son temps quand elle est pas en train de nettoyer l'vomi du vieux. Lui qui arrête pas d'lui dire de s'casser de ce merdier, d'aller vivre sa vie. Parce que si y'en a bien une qu'a l'intelligence et la possibilité d'devenir autre chose qu'un rebus de la société, c'est elle. Gamine lunaire et trop intelligente qu'il a jamais vraiment compris. 

Ses pas qui le mène jusqu'au refuge, porte qu'il pousse sans s'annoncer avant d'tomber sur James. j'cherche Gab. ils se sont peut être jamais croisé, il sait plus trop Oscar, pas l'genre à s'inquiéter de la mémorisation des prénoms ou des visages. Alors il s'présente. Quelques échanges de banalités et voilà que la gamine revient sur place. Oscar qui la regarde avec un air sévère sur l'visage, ce qu'il s'apprête à annoncer qui n'est pas réjouissant. on peut s'parler ? Tu réponds pas au téléphone. qu'il fait en pointant l'extérieur avant de s'y diriger sans vraiment attendre d'approbation de sa part. Il vient sortir une clope de sa poche pour la porter à sa bouche, briquet qui vient noircir le bout. D'un ton calme, inapproprié pour l'coup, l'genre de truc qui donne l'impression qu'il est un sociopathe alors qu'a l'intérieur ça brûle mais c'est sa façon d'être. Il craque pas Oscar. Jamais. Et encore moins en public ou devant sa famille. Il verrait ça comme un signe de faiblesse.  joyeux est à l'hosto. la bombe est lancée, et devant le regard désespéré de sa cadette, il ajoute : il va bien, c'est bon il a fait une overdose. Le Donovan a été assez étonné qu'on l'apelle d'ailleurs : personne à contacter en cas d'urgence. Qui avec toute ses capacités mentales mets le nom du quatrième de la fratrie pour ça ? Sans déconner. Pourtant il était venu, il s'était pointé rapidement, persuadé que l'histoire se répétait à nouveau et que le cercle familial allait se réduire encore un peu. Il tire sur sa cigarette, volutes blanches qui tournoient autour d'un visage abîmé.

Gabrielle adore le rescue. Elle s’y sent bien, entourée d’animaux, qu’elle est au moins aussi heureuse que nerveuse de prendre le bien-être et la santé sous sa responsabilité. Elle se donne à la tâche, Gabrielle, à 300%, sans compter ses heures. Elle ne s’arrête que lorsqu’elle sait que tous les pensionnaires vont bien, ce qui est parfois très délicats selon les abus desquels ces pauvres créatures relèvent. Job cathartique ? C’est le moins qu’on puisse dire. Elle a grandit impuissante face à un homme qui terrorisait son environnement, et faisait pleuvoir sur eux les abus. Gabrielle est exceptionnelle dans son approche des animaux, parce qu’elle les comprend intimement. Elle sait très exactement dans quel état ils peuvent être, ce qu’ils peuvent ressentir en arrivant au shelter. Elle est consciente du délicat de la phase d’apprentissage, et, bien que la plupart des animaux au sein du parc pourraient ne faire qu’une bouchée d’elle, jamais ils ne lui ont fait peur. La peur n’a pas sa place dans son cœur, trop plein d’amour et de compassion pour ces bêtes blessées. A force, avec le temps, beaucoup des gros prédateurs finissent par la voir comme le lion considère la souris dans la fable. La plupart finissent même par se montrer affectueux avec elle, encourageant ses efforts et la motivant toujours un peu plus.

Elle est sereine au moment de revenir au bureau, ce jour-là. Sa ronde s’est très bien passée et aucun des pensionnaires n’ayant besoin de soins immédiats, elle allait pouvoir se consacrer à un peu de paperasse. Ou pas. Quand elle pousse la porte et que ses grands yeux verts tombent sur la silhouette blasée de Grincheux, quelque chose lui dit que le reste de sa journée va être foutu en l’air. « Salut. » Elle dit, impassible. « Ouais, désolée, j’étais avec les pensionnaires et je prends jamais mon portable pendant les soins. » Elle n’en a pas besoin, ne veut pas prendre le risque de se faire distraire ou que les animaux paniquent en entendant soudainement sa sonnerie ou en percevant le vibreur. Elle hoche la tête pour marquer son assentiment à sa requête, et le suit à l’extérieur. A ce stade, Gabrielle sait déjà qu’elle ne va pas aimer la nouvelle. Elle se demande juste en quelle mesure elle va la détester, et s’il s’agit d’un problème d’argent ou de santé. Lui ? Qui ? L’attente ne dure pas longtemps, mais heureusement. Quand la nouvelle tombe, Gabrielle l’accuse difficilement. Elle cille, regarde son frère. Est-ce qu’il est… ? semblent dire ses yeux, l’esprit saturé des images et sensations vécues lors de la perte de Thomas, terrorisée à l’idée de devoir passer à nouveau par ce genre d’épreuves. Et puis, et puis Oscar, au milieu de ce moment dramatique, lui sort la phrase la plus absurde qui soit compte-tenu des circonstances. Ses nerfs ayant atteint leur limite, ils se fracturent et Gabrielle rit, jaune, certes, mais elle rit. « Tu vois, moi, naturellement, j’aurais pas mis « il va bien » et « il a fait une overdose » dans la même phrase. » ça lui semble, sur le coup, tellement absurde qu’elle en rit… Mais elle se calme bien vite, inspire et expire profondément, et ferme les yeux.

C’est dur, si dur, de lutter contre sa nature profonde qui est fantasque, presque éthérée, et de devoir se montrer pragmatique, pour le bien des autres… Chercher à solliciter la froide logique, dans ce genre de circonstances, est une épreuve, à laquelle elle n’est jamais certaine de briller. « Il est encore à l’hôpital ? Je vais aller le voir… Pour lui faire décrocher la drogue, il va falloir qu’on prenne sur nous et qu’on lui montre que la vie est mieux sans. Il va falloir qu’on se relaie, tous les cinq… Il peut pas rester à la maison avec papa… » Oscar peut voir les pensées de Gabrielle qui se déroulent devant lui, comme une bobine de fil, inarrêtable dans sa course, à moins que…

Lutte interne. Vive et malheureuse. S'endurcir pour ne plus rien ressentir. Oscar a parfois le sentiment que chaque seconde de sa vie est une foutue torture. Il agit comme si ça lui coulait dessus comme de l'eau mais Gabrielle le connait assez bien pour savoir que ce n'est pas l'cas. A l'adolescence déjà, il jouait de cette carapace maladroite, visage fermé, sujets trop en lien avec sa personne qu'il évite, de peur de rouvrir les plaies pas totalement cicatrices. Le fait est que le décès de Thomas l'avait projeté dans une autre dimension, d'celles qu'on a pas envie d'explorer. Tellement qu'il avait failli en crever de tristesse lui aussi, comme maman. Impression de suffoquer qui lui serre le cœur à chaque fois que son nom est prononcé. Un spectacle désolant, affligeant auquel ses proches ont du assisté. Et s'il dira le contraire, cet évènement tragique a modifié considérablement sa façon d'exister et d'être en lien. Incapable de gérer les émotions qui font rage en lui. Alors oui, quand l'médecin l'a appelé pour lui annoncer la nouvelle de cette overdose -pas vraiment inattendue dans l'fond-, il a senti son corps tout entier dépérir, ses jambes qui ont filé sous le poids des mots. Quelques minutes pour se ressaisir, pour garder la face et retrouver cette posture indifférente et froide. S'il venait à céder, il vrillerait totalement de toutes façons, alors autant laisser les gardes fous à l'entrée.

Sarcasme qu'elle déploie avec ferveur. Moi tu vois, j'suis juste content qu'il ne soit pas mort. Il a beau faire comme si l'lien était pas si présent, comme s'il n'en avait rien à faire, il est bien vite pris à son propre jeu. Ces émotions qu'il ne maitrise pas malgré les mots qui sortent de sa bouche. il reste en observation oui, j'passerai le récupérer demain matin. Il a de la chance d'avoir un boss conciliant, qui acceptera qu'il prenne sa journée pour surveiller le petit. L'idéal serait un centre de désintoxication pour l'sortir totalement de sa névrose mais les moyens financiers d'Oscar ne permettront pas ça, déjà que l'règlement des frais hospitaliers n'a pas été une mince affaire. Il a beau s'faire un peu d'argent avec les deals en tout genre qu'il fait pour les godfathers, il est loin d'rouler sur l'or. A défaut, il a promis d'accueillir l'gamin avec ces yeux brillants et son sourire maladroit chez lui. Au moins un temps. c'est bon, c'est réglé ça, il vient chez moi. Pour ce qui est de lui montrer que la vie est belle. Oui... Bon courage. Non parce qu'on est quand même loin du rêve américain et d'toutes ses pubs ou les gens crient au bonheur. Si Oscar n'avait pas tant besoin de maitriser totalement ce qui l'entoure, il aurait sans doutes céder lui aussi à tout ça, à toutes ses substances qui aident à s'évader. y'en a qu'on b'soin un peu d'aide pour s'évader et vivre dans le monde des bisounours tu sais. qu'il dit calmement avant d'ajouter : mais j'vais l'surveiller. En tout cas, il va essayer de faire ce qu'il peut pour éviter de se retrouver dans la même situation d'ici quelques semaines. Putain, va falloir qu'il range la came qu'il est censé vendre tiens.

Ils se ressemblent, Oscar et Gabrielle. Ils se ressemblent, sans se ressembler. Oscar avale, dévore ses sentiments et essaie de cacher la merde du chat sous le tapis, parce qu’il sait que s’il ouvre la porte de ce débarras, tout lui tombera sur la gueule à peine la poignée tournée. Gabrielle, elle, s’inquiète, mais elle ne laissera rien l’envahir de plus. Pas de larmes, pas d’hystérie. Quand la nouvelle de la mort de Thomas est tombée, elle s’est juste assise, les yeux grands ouverts, et a demandé les détails. On les lui a donnés, et elle n’a pas cillé, parce qu’à ce moment-là, elle ne ressentait rien, elle se sentait aussi vide qu’une coquille. Elle a appris après que c’était le choc. Et le choc, chez Gaby, il peut durer longtemps. Très longtemps. Tellement longtemps. Le revers de la médaille l’a saisie sans prévenir. Une broutille, vraiment. Elle feuilletait un magazine quand elle est tombée sur quelque chose d’idiot, un article sur les Goonies et son retour en tant que film culte. Gabrielle a éclaté en sanglots, comprenant avec des mois et des mois de retard qu’elle ne regarderait plus jamais les Goonies avec Thomas, leur film préf de tous les films. Il lui a fallu des heures pour se calmer. Bon, d’accord, c’est en partie parce que le père lui a ouvert la lèvre et fait saigner le nez ce soir-là, mais la majorité de ses larmes étaient pour son frère perdu.

Alors, perdre un deuxième frère ? Elle réagit par pragmatisme, automatisme, la gamine. Elle a une vague idée du processus de soin parce que la médecine, c’est pas si loin des études véto. Elle sait ce qui est attendu d’une sœur, et elle entend remplir son rôle. Mais en frère, elle n’a pas que Joyeux. Elle a Grincheux aussi, un grincheux qui prend énormément sur lui, puisqu’il accueille le malheureux addict chez lui, en plus de se proposer pour le surveiller. Gabrielle considère longuement Oscar, sans rien dire, jusqu’à ce qu’elle tende ses doigts et vienne prendre la main de son aîné dans la sienne. « T’es pas obligé de faire ça tout seul, Oscar… Je suis là, je vais t’aider. » Elle lui sourit, se voulant pleine de détermination. « A nous deux, et plus si les autres s’y mettent aussi, on va y arriver. » Elle se veut dynamique, optimiste, dans son monde dira peut-être encore le mécanicien, mais il faut bien quelqu’un pour y croire, à ses rêves, pas vrai ? « Je viendrai avec toi demain, pour sa sortie. On aura qu’à aller déjeuner tous les trois ensemble, qu’est-ce que tu en dis ? » Elle propose, un plan, petit, efficace, sensé faire plaisir à eux trois… Mais Oscar serait bien foutu de l’envoyer chier, comme il fait souvent, comme si la présence de sa cadette le brûlait, parfois, poussant Gaby à se demander si son frère la subit plus qu’il ne l’aime, ou le contraire…