“Cet enfant n’est pas le tien.” a-t-elle déclaré en claquant la porte derrière elle. Il se souvient encore de son regard, de la honte qui l’habillait, ternissait son éclat. “J’ai fauté avant notre mariage.” C’est tout ce qu’elle a ajouté, les poings serrés et la tête baissée. Elle allait quitter la pièce, car retenir ses larmes lui paraissait être une tâche irréalisable, mais il ne l’a pas laissé partir. Il a posé une main sur son épaule, lui implorant silencieusement de rester, de ne pas lui tourner le dos. Les mots ne venaient pas encore, alors il a saisit son poignet pour la tirer contre lui, l’emprisonner dans une étreinte amoureuse l’espace de quelques instants. “Lui et moi n’avont aucun lien de sang, mais faut-il réellement que la chair lie deux êtres pour qu’ils soient de la même famille ? Je t’aime, Yura. Je t’aimerai toujours. Alors s’il-te-plaît, ne pars pas. Cette vie que tu portes, qui grandis en toi, je l’aime tout autant. Je ne vous laisserai pas tomber.” Je te le promets

Un sourire dans la brume, à l’abris des regards, loin de tout ce qui le dérange, au-dessus de tous. Il soupire, replonge dans son aquarelle, s’éloigne de cette réalité encore une fois. Le pinceau gorgée d’eau se mélange aux pigments de la palette, caresse ensuite le papier gros grain avec aise, ajoutant alors quelques traits à l’œuvre encore inachevée. Il ignore, ne veut pas entendre les bruits qui courent, s’occuper des soucis des autres si ces derniers ne le concerne pas. Seul lui compte.“C’est beau ce que tu fais ! Tu as beaucoup de talent, Yejun.” ⸻ “Père?” Le regard de l’enfant se plonge dans celui de son paternel, alors que dans ses yeux, se mettent à briller des étoiles. “Je suis rentré plus tôt ! C’est bientôt ton anniversaire, et je voulais m’assurer que tu aies tous les cadeaux dont tu rêves.” ⸻ “Vous ne pouvez pas m’offrir le monde, n’est-ce pas?” ⸻ “Oh crois-moi, si je le pouvais, je le ferai.”

“Je prends ces deux bracelets. Emballez-les et faites les livrer à l’hôtel.” ⸻ “Enfin jeune homme… Vous ne pouvez pas-” ⸻ “Vous êtes sourd?” Ses traits se froncent. Ange devenu démon, mais l’a-t-il déjà été pour commencer ? Il grince des dents, croise les bras sur son torse, toise le vendeur du haut de ses douze ans, a le désir de le faire se sentir misérable. “Non je..Enfin…” ⸻ “van Cleef Yejun, Ritz, suite vendôme. Maintenant” C’est le plaisir de voir le visage de cet homme se décomposer, de l’entendre respirer un peu trop fort, tel un porc. Il se délecte de cet instant, en a rêvé toute sa vie. Scène vue uniquement dans les films, il désespérait d’un jour pouvoir en faire une réalité. New-York le connaît, l’a toujours vu, et ce depuis sa naissance. Mais qu’en est-il des autres boutiques à l’autre bout du monde ? Impossible pour tous les employés de la fourmilière de connaître son faciès ou son nom. Et quand bien même ce fait semble être de l’ordre du normal, il n’en est pas satisfait. Tous ont le nom de son père en tête, alors pourquoi pas le sien ?

Vipères déguisées en couleuvres, se mêlent encore une fois de ce qui ne les regarde pas. Elles le toisent, pensent bêtement qu’elles peuvent l’impressionner, faire tomber sa couronne en soufflant dessus. Sourire factice, empoisonné alors qu’il passe à leurs côtés, leur souhaite de passer une bonne soirée et de bien profiter des festivités. Placées sur un plateau d’échecs dont il est l’unique maître, il promet sur son honneur qu’il les fera disparaître une par une. Vieilles pièces usées, inutiles, devraient avoir honte d’oser respirer le même air que lui. Frustrées sont-elles, de ne pas être les héritières du trône. Prince à l’âme inconsciemment fracturée, il ne peut s’empêcher de leur rappeler qu’ils n’appartiennent pas au même monde, qu’elles ne peuvent imaginer porter de tels rêves. Leur ridicule n’a aucune limite, pourtant ne manquent-elles jamais une occasion pour se pavaner en prétendant avoir de l’importance. “N’y a-t-il pas plus humiliant que de ne pas savoir rester à sa place?”