Un pets pour la planète

Ce matin-là il était de repos mais malgré son envie de grasse matinée, l'oublie de fermer ses volets l'avait réveillé dès que le soleil commença à s'élever. En grognant il ne put qu'admettre sa défaite face à l'astre du jour. Il quitta rapidement son lit par peur d'être trop tenté par la chaleur des draps. Il nourrit ses animaux et en posant un regard sur son intérieur, se dit qu'il commençait à devenir crasseux et qu'un bon coup de ménage ne serait pas du luxe. Pendant deux heures il se transforma en cendrillon et traqua la moindre trace de poussière ou de saleté. Il finit exténué par reprendre son souffle et ses esprits sur sa terrasse, s'accordant une pause bien mérité il commença à s'égarer sur les réseau sociaux.  Distraitement il se rendit sur la page de son salon de tatouage favoris et avec curiosité vit de nouveau post alléchant pour ses yeux d'artiste. Il ne lui fallut que quelques secondes de plus pour écouter son envie d'aller sociabiliser et surtout emmerder profondément son tatoueur.

Il quitta son appartement et enfourcha sa moto adorée pour rejoindre les rues encombrées du centre, rue qui était plus encombrée encore qu'a l'habitude car apparemment se tenait une manifestation écologique. Il soupira moqueur à cette information en levant les yeux au ciel alors qu'il attendait que le feu lui permette de se rendre à destination. C'est là que son regard fut attiré par l'ultime tentation a cette heure avancée de la matinée. Une devanture rose et crème offrait au visiteur l'envie de boisson et encas plus sucré et gras possible. Comme tout jeune américain voulait s'intégrer, il ne put refuser l'appel de la malbouffe. Il se gara et entra dans la boutique, commanda une série de boissons aux mélanges étranges puis restants sur une valeur sûre pour ces chers ricains, commanda une boite de donuts.

Il arriva enfin à destination et se gara devant le shop non sans avoir fait ronronner le moteur de sa Bécanne pour bien se faire remarquer. Il passa la porte tel un prince triomphant, un sourire un peu stupide collé au visage. Il salua l'agent d'accueil, prit deux parts en main et lança la boite sur le comptoir puis dans un signe de tête il s'engouffra un peu plus dans l'antre du tatouage; à la recherche de son ami. Les joues pleines de la pâtisserie, il passa la tête dans l'entrebâille d'une pièce, trouvant l'objet de sa recherche avec un client; nettoyant un tatouage tout frais. La bouche pleine il babilla des salutations à peine compréhensibles et pénétra dans la pièce, venant s'accouder contre l'épaule du tatoueur et jetant en regard à sa nouvelle création. D'un doigt habile et provocant il releva le menton du plus âgé et lui colla un donnuts dans la bouche suivie d'un gobelet d'une boisson à l'aspect douteux. Provocant dans son regard et son petit sourire en coin, il s'éloigna de son hôte avec prudence.


d'une voix malhabile et à l'accent criard au doublage de la voix d'Homer Simpson il ajouta ㅡ Oh pinaise ! les donnut's nous envahissent !

Réveil aux aurores. Bien avant en réalité, tiré d’un cauchemar par l’vieux Grumpy venu l’étouffer en s’installant à moitié sur sa tête. Jurons étouffés par les poils, et le chat insolent qui y répondit d’un miaulement rauque et ronchon. Sa trogne défraichie retrouva un peu d’éclat au sortir d’une douche froide et à l’issue du premier café matinal. Le monstre griffu nourri, Azaël revint à la dure réalité lorsque les grondements de son estomac rappelèrent son frigo vide. Il avait encore oublié de faire des courses. Restait de quoi faire son inratable gruau d’avoine aux noix – il finirait par se transformer en âne, à ce stade il en avait déjà le caractère – et des œufs brouillés qu’il faillit laisser brûler.

Une cafetière vide plus tard et la porte claqua son départ, non sans le traditionnel baiser posé d’un bout d’index sur la photo de Daria et Holly dans l’entrée. Les rugissements d’une Harley résonnèrent dans la rue encore plongée dans sa nuitée et lorsqu’il parvint à Manhattan, les premiers rayons de cette journée hivernale peinaient à se glisser entre les gratte-ciels. Premier arrivé au Inkstar, mais client en retard. De quoi le faire tourner en rond en râlant, et donner du grain à moudre aux collègues, toujours ravis de le taquiner. J’te jure, la poisse…

Le deuxième rendez-vous, malgré sa carrure d’armoire à glace, eut la décence de ne pas accuser son léger retard. C’était sa quatrième séance, la dernière pour terminer une œuvre qui ne fut pas de tout repos. Haut du torse, épaules et dos à présent signés d’une inspiration lovecraftienne, des créatures chtoniennes se déversaient sur la peau du client pour enserrer entre leurs tentacules ou leurs crocs un cœur solitaire à présent imprenable. Trois bonnes heures de travail – ou plus, il était trop concentré pour consulter sa montre – pour compléter l’ultime pièce du puzzle de cet homme avec qui il poursuivit leurs conversations d’amateurs de road trips sur deux roues. Lunettes sur le bout du nez pour peaufiner le moindre détail et approcher la perfection d’un dessin issu de son esprit, on lui aurait presque donné un air de bon élève, s’il n’avait eu sa dégaine décoiffée de rebelle inspiré par les airs de la liberté américaine. Il travaillait rarement avec un modèle détaillé sous les yeux, plutôt avec des esquisses et des feuillets d’idées qu’il arrangeait en fonction de la morphologie du client. Le tout agrémenté des rythmes graves et des riffs de vieux – ou plus récents – morceaux de country rock.

Occupé à nettoyer la dernière œuvre, le talon battant la mesure des Wild Horses, ce fut d’un mouvement surpris qu’il accueillit l’entrée en scène de la dernière trombine qu’il aurait cru apercevoir aujourd’hui. Assorti d’un donut plus large que sa frimousse. Toshi ? what the… Il ne put qu’étouffer ses protestations que déjà un beignet dégoulinant de gras garnissait sa grande gueule. « Mmhff ! » Sourcils froncés, ses manches de vieille flanelle encore retroussées, avec ses boucles grisonnantes il avait vraiment tout l’air du daron offusqué d’avoir été pris par surprise par un gamin. Et en même temps, à deux doigts de mourir de rire par la fabuleuse imitation des Simpsons. D’un roulement d’épaule se dégagea-t-il pour déposer la gourmandise et la boisson ailleurs que sur la peau encore sensible d’une armoire à glace pliée de rire.

« Hey kiddo. » Lavage de mains. « C’est quoi ça ? L’hygiène, bordel ! » Soupir faussement enquiquiné, pour cacher en vain le rictus complice qui remontait le coin de ses lèvres. « Merci de te préoccuper de mon futur diabète, en tout cas. » De l’index, il remonta ses lunettes puis se débattit avec les pansements à appliquer pour clôturer la séance saupoudrée de derniers conseils – inutiles, mais le patron insistait pour ne pas y déroger. Enfin seuls, Azaël inspira à s’en décrocher les épaules, sentant que la concentration et sa posture avaient installé quelques nœuds douloureux dans sa carcasse svelte. Il s’empara de son gobelet au contenu inconnu et trinqua avec Toshi.

« Qu’est-ce qui t’amène ? J’te manquais déjà ? »