deutsche qualität (klauss)

Jour de congé et annonce d’un temps exécrable dans le New Jersey : Azaël dut réviser ses plans de sortie moto en dernière minute pour l’échanger contre une après-midi au stand de tir. Voilà quelques temps qu’il ne s’était accordé ce luxe. Il ignorait si son jeune ami Toshi était de garde ou disponible ce jour mais qu’importe. Les progrès du vieux grincheux feraient plaisir au gamin. Parlons-en de ses progrès : parfois l’âge était réellement synonyme de sagesse et son tempérament calme – la plupart du temps – lui avait prodigué une patience dont il avait été dépourvu dans ses jeunes années de voyou. Si bien qu’il réalisait de beaux cartons avec de plus en plus de régularité.

Ces efforts le récompenseraient peut-être un jour.

Il déboula dans la rue du stand dans un virage serré qui fit crisser le bas de châssis de sa Harley. Ralentissant l’allure pour repérer une place un minimum abritée, le motard aperçut plutôt une silhouette vaguement familière sortir du bâtiment de Precision Shot, gagner une vieille poubelle allemande – une espèce d’Opel qui faisait peine à voir – et se démener à tenter de la démarrer. S’il pensait d’abord avancer au pas, le temps que la place se libère, pour y installer la Fat Boy noir mat, pas de chance, la voiture ne dégageait pas. Et vu les cris d’agonie du moteur, c’était clairement pas bon signe. Sourcils froncés, à présent plus proche pour distinguer le profil du conducteur, il reconnut enfin le jeune patron des lieux, Klauss Wolfenstein. Il n’aurait jamais cru le personnage dans un véhicule aussi merdique. Ils ne se connaissaient pour ainsi dire presque pas, et pour cause, Azaël ne le côtoyait pas vraiment, Klauss ne lui évoquait ni haine ni sympathie. Juste un aspect assez froid et distant, de premier abord, qu’il avait mis sur le compte d’une enfance dorée.

Pas si dorée que ça, au final.

Le motard gara son deux-roues devant la voiture de Klauss. Sans être un grand spécialiste des voitures – il préférait faire briller les bielles des Harley –, il trainait assez sa bosse en mécanique pour lui offrir son aide. Dans l’une de ses sacoches, toujours trimballait-il des outils de première nécessité. Il ôta son casque, s’empara de sa trousse à outils et à l’aide d’une clé plate, tapota à la fenêtre de Klauss pour qu’il la baisse. « Bonjour, patron. J’crois que votre moteur a une dent contre vous. Je peux vous donner un coup d’main, ouvrez le capot pour voir. » Il laissa au jeune homme le temps de replacer son visage parmi les membres du stand de tir, sourire moqueur au coin des lèvres. Azaël se redressa et en attendant, accouda sa carcasse svelte à la vieille auto-tamponneuse. « Après, je promets rien, la qualité allemande, c’est plus ce qu’on croit. Ces machines-là n’aiment pas la poussière des Amériques. »