rule one : hide your lies — rhys

[ outfit ] -- Les doigts se resserrent nerveusement autour de la flûte pétillante, encore bien remplie de ce champagne qu’elle n’a pas encore dégusté. La nervosité est si forte, lui noue l’estomac, et la rend incapable de tout. Le discours d’ouverture de gala du doyen de la fac n’a pas pour effet de distiller son malaise, bien au contraire. Il prolonge inutilement sa volonté grimpante et impérieuse de s’évader, dans sa plus échappée belle aux confins de la nuit. ㅡ À quoi tu penses Lydia ? Concentre-toi ! La rêvasserie est interrompue par la voix ferme du paternel, l’injonction est claire et ne laisse pas la place à l’objection. Elle hoche la tête en silence, relève le minois en direction de l’assemblée de convives pendue aux lèvres du chef de l’établissement. C’est une soirée où les grosses pointures sont présentes. Les échanges y sont nombreux entre les anciens élèves prestigieux venus prospectés pour leurs affaires, les représentants des partenaires financiers, les sponsors et bienfaiteurs. Et pendant que les progénitures de ces anciennes figures fortunées se prélassent autour des boissons et des petits fours, la musique se fond dans le décor luxueux pour une soirée annuelle propice innombrables importunités.

Puis vient enfin la fin du monologue, couvert sous un tonnerre d’applaudissements. La rousse engloutit sa boisson d’une trait avant de rendre sa coupe vide auprès d’un serveur. ㅡ Je reviens dans quelques instants, souffle-t-elle à ses parents avant de rapidement de se faufiler progressivement en direction de la sortie. De ses pas graciles, elle serpente entre les convives, soupire son halètement. Le cœur s’emballe, la vision se fait de plus en plus trouble si bien qu’elle percute de face une silhouette. Visage indistinct qui ne trouve pas d’identité sous son regard vert d’eau, elle se confond en excuses qu’elle balbutie maladroitement du bout des lèvres. ㅡ Ex..excusez-moi, je ne vous ais pas vu. Elle relève son visage, rapidement le monde ne fait plus qu’une révolution, et le sol semble déjà se dérober sous ses pieds.

[ outfit ] -- Ce n'est qu'une soirée Rhys, ça ne va pas te tuer. Le filtre de sa cigarette entre les lèvres, le Blackwell s'était posé à l'extérieur du campus pour pouvoir s'en griller une avant de devoir affronter tout le gratin de Columbia. Il détestait ces événements mais n'avait pas réellement le choix en ce qui concernait sa présence là-bas. La Reine de Cœur veillait à ce que l'ensemble de son royaume s'y pointe - pour alimenter son compte Instagram d'une part mais aussi pour s'assurer que personne d'indésirable n'allait essayer de s'y faire secrètement une place... Ce qui était un peu raté du coup puisque l'acrobate s'y était infiltré en un claquement de doigts. En parlant d'elle d'ailleurs, celle-ci l'avait appelé et laissé un message sur son répondeur. Pas son genre de répondre au téléphone à Rhys, encore moins à cette folle. Toutefois, la curiosité d'en découvrir le contenu s'était faite ressentir.

« Rhys Blackwell, si tu ne pointes pas ton cul tout de suite à l'intérieur, je te broie les burnes et j'm'en fais un café. Oh et, si t'es avec m'sieur de Cœur, tu serais bien brave de lui partager le même message. Je suis aussi très douée pour faire les salades, et t'as pas envie de voir crois moi. »

De quoi le faire marrer et écraser sa clope à peine terminée par terre pour se dépêcher de la rejoindre.
Il n'appréciait pas réellement la Reine des reines - principalement à cause de son côté superficiel - mais, elle avait du répondant et... il fallait aussi être honnête sur un point : pas moyen de s'ennuyer avec elle dans les parages.
Au moins, ça lui avait donné un coup de fouet et rappelé qu'à l'intérieur se trouvaient une floppée d'entrepreneurs prêts à l'embaucher à la sortie de ses études... Discours du doyen raté - le même à chaque fois - quel dommage... Il s'était emparé d'un verre, dont le contenu s'était retrouvé au fond de son gosier dans moins de cinq secondes, puis s'était mis à slalomer entre les convives pour retrouver les s-

― Regarde où tu marches ! qu'il avait commencé à aboyer avant de comprendre qu'il était rentré en collision avec la trèfle. Oh. St-Germain. Son regard s'était perdu un instant sur sa robe aux couleurs criardes et... sur... son décolleté... encerclé par sa chevelure de feu. Sans le faire exprès. C'était sous ses yeux au roi. Elle était minuscule Lydia, même sur ses talons. Hum. Tout va bien ? qu'il lui avait cependant demandé après avoir relevé ses émeraudes, sourcils froncés. Tu fuis qui comme ça ? Elle n'était pas avec le groupe ni avec ses parents... Parents... Putain. Ouais, ils étaient bien là. 'Chier.

[ outfit ] -- Le pas ne doivent pas trahir la précipitation, la démarche doit paraître naturelle. Jusqu’à sa sortie, Lydia s’efforce de ne pas laisser transparaître toute l’angoisse qui lui cisaille le palpitant. Parce qu’il y’a mille et une paire d’yeux qui peuvent la scruter, juger, interpréter le moindre de ses faits et gestes pour en tirer les conclusions qui leur seront avantageuses. Elle refuse d’alimenter le jeu des ombres, alors elle fait le choix de s’y soustraire en maintenant encore un peu la mascarade. Mais plus encore, elle ne souhaite pas s’attirer les foudres de la Reine de Cœur, reconnue comme impitoyable lorsqu’il s’agit de faire une apparition avec l’ensemble de sa cour. Pas encore totalement accommodée à son fonctionnement, la Trèfle a toujours préférée la suivre jamais la contredire. N’y trouvant que peu d’intérêt à entrer en collision avec elle, la petite rouquine tente de se rassurer en se répétant que les agissements de la Reine des Reines restent inoffensifs, ne nécessitant pas de devoir s’en préserver. La bousculade est douce mais suffisamment réelle pour la faire perdre tanguer. Léger sursaut des épaules sous la voix abrupte, elle se décontracte légèrement lorsqu’elle entend son nom.

Lentement, ses billes claires remontent jusqu’à un visage familier, et sa voix s’échappe pour l’appeler. Lui. ― Blackwell ? Un questionnement rhétorique qui s’élève faiblement, un peu comme si elle avait ce besoin de se recentrer dans l’univers pour ne pas s’y perdre. Drapé dans un costume monochrome, tout de noir il se peint, absence de couleurs dans le soir. Comme aspirée dans un vortex, elle ne parvient pas détacher son regard de son allure élégante. Zoom sur son visage, focus sur ses lèvres qui s’ouvrent et se referment à chaque paroles qui coulent dans ses oreilles. ― Non..j’étouffe. C’est le mieux qu’elle parvient à bredouiller à travers sa respiration sifflante et saccadée, une main contre sa poitrine. ― Tout..le monde..j’en peux plus. Sans prendre la mesure de son geste, la St-Germain ne peut s’empêcher de s’agripper à ses avants-bras, peu certaine d’être en capacité de tenir debout par ses propres moyens.

Doucement, ses doigts épousent un peu plus la musculature de ses bras, elle ferme les yeux un bref instant, rassemble ses dernières forces afin de formuler sa demande en ultime recours. ― S’il te plaît Rhys, emmène-moi loin d’ici. Le rebondis de sa lèvre inférieure se fait écraser par ses adamantines, alors que le carré de sa chevelure rousse retombe sur son visage en barrière de feu pour occulter la pâleur maladive de son visage. Ses émeraudes chevauchent, s’écrasent dans la profondeur de son regard sombre qu’elle capture dans l’espoir d’une envolée nocturne. N’importe où mais loin d’ici, avec lui. Peut-être plus loin encore, pour l’extraire du sillon destructeur de sa famille.  

[ outfit ] -- Qu'est-ce que le trèfle faisait au beau milieu des bourgeois et des charognards ? Pourquoi n'était-t-elle pas installée sur son trône doré avec les autres reines ? À chaque fois qu'il pouvait y avoir une réception, un gala, une réunion ou une soirée - le royaume avait sa petite table attitrée. Avoir un siège à celle-ci ? Le rêve de beaucoup de monde.

― Quoi ? qu'il avait répondu, les sourcils encore plus froncés d'incompréhension à la voir aussi chancelante. En réalité, il n'avait réellement capté sa détresse que lorsque ses mains étaient rentrées en contact avec sa peau. Manches légèrement relevées pour laisser apparaître ses tatouages, ses orbes vertes étaient tombées sur ses doigts - et ses ongles presque plantés dans sa chaire. Suis moi. s'était-il alors contenté de lui dire avant de passer sur son flanc droit pour la guider vers ce qui semblait être un immense couloir donnant sur de larges escaliers. C'était l'un des trois accès à la salle des In Lumine. Il y avait l'ascenseur, le plus classique. Ainsi que des escaliers à proximité des cuisines. Et puis il y avait cette aile là, qui menait directement à une cour intérieure si on ne se trompait pas de porte une fois en haut. À Columbia, il y avait plusieurs petits jardins dans lesquels les étudiants pouvaient s'installer du temps de midi - ou pendant l'été pour réviser.
Le pas rapide et léger mais toujours à proximité de la flamme, il s'était empressé de pousser les derniers remparts qui les séparaient de l'air glacé du mois de janvier. Est-ce qu'ils allaient pouvoir tenir longtemps ici ? Alors que cinq centimètres de neige recouvraient les lieux ? Probablement pas. Juste assez pour qu'elle puisse reprendre ses esprits en tout cas... Et lui faire quitter sa veste pour la glisser sur ses épaules dénudées.

― Qu'est-ce qui t'arrive ? avait-il redemandé après s'être arrêté à deux pas de là où ils venaient de sortir, les pierres anciennes et humides du sol pour réceptionner les échos de leurs pas. Il s'est passé quelque chose en bas ? Son regard s'était adouci et, il était venu resserrer les pans de sa veste pour éviter qu'elle ne prenne froid au niveau de son buste.

[ outfit ] -- L’aveu est fébrile. Par cette franchise, elle admet sa faiblesse, elle s’en remet totalement à lui. Rhys, le roi de Trèfle. Et sans la décevoir, il la porte hors de cette foule qui ne prend plus forme dans son esprit. Il n’y demeure que brouillard et sons étouffés. Parce que même le chemin jusqu’à ce jardin d’hiver lui semble presque irréel. Cela devient de plus en plus difficile pour la rousse de respirer, alors que son calme s’estompe rapidement. Le suivre relève presque du miracle pour celle qui ne reprend vie qu’à la première inspiration glaciale. Un premier frisson fracasse son échine, couvre sa peau d’une fine couche granuleuse. Chair de poule en second manteau, la chaleur ne tarde pas à revenir lorsque le brun dépose sa veste noire sur ses frêles épaules. ― Merci. Sa voix se désagrège en toux légère, quand soudainement elle prend conscience de l’endroit où ils se trouvent. Le froid environnant est mordant, lacère sa peau exposée, dépose une épaisse couche de neige sur le sol.

Naturellement, il la questionne, cherche à comprendre ce qu’il lui arrive. Et là, soudainement, il y’a la crainte de le décevoir. De ne pas savoir lui apporter une réponse claire quand elle-même ne parvient pas à totalement expliquer tout ce qui est en jeu en elle. Parce qu’elle sait que ça l’étouffe violemment, mais ne sait pas comment objectiver son mal être avec des mots clairs et précis. Tout est fou, tout est flou dans ce trou sans fond. ― Je… j’étouffe juste.. de tout. Ses orbes émeraude remontent jusqu’aux siennes, alors qu’il s’approche d’elle. La nervosité grignote son échine, provoque un nouveau frisson, non pas induit par le froid cette fois-ci, mais par lui. Si proche d’elle, qu’elle en défaille. ― Ces gens, cette situation, cette impression de ne pas avoir le choix. Ni avec mes parents, ni avec personne. Il resserre sa veste pour la préserver du froid, vêtement bien trop grand dans lequel elle nage plus que de raison. Sa crinière flamme tombe en arrière, inonde son dos, alors que son visage est relevé pour ne jamais quitter le jeune homme du regard. ― Mes parents sont là, Rhys. L’inquiétude pointe dans sa voix qui se suspend jusqu’à s’évanouir dans la fraîcheur du vent. Elle frissonne à nouveau avant de jeter un coup d’œil en arrière. ― Je me sens mieux, on peut aller dans la salle commune des In Lumine, si ..si tu veux ? La suggestion est hésitante pour celle qui ignore si sa présence est désirée dans l’orbite cosmique de sa vie.

[ outfit ] -- En temps normal, Rhys ne pensait qu'à sa petite personne. Depuis la mort de ses parents et, en dehors de sa sœur, il n'y avait pas grand chose ni qui que ce soit qui pouvait compter à ses yeux ou être assez pertinent pour qu'il puisse y  prêter suffisamment d'attention. Venir en aide à Lydia au beau milieu de ces portefeuilles blindés ? Ça n'avait pas été un réflexe. Quelques secondes pour comprendre et agir. Agir de la bonne manière ? Aucune idée. Il ne s'était encore jamais retrouvé dans une situation comme celle là. Mais l'air glacial sur leurs visages respectifs lui avait semblé être une bonne option pour pouvoir respirer de nouveau.

― De tout ? qu'il avait répété, toujours aussi perdu. Lui qui plaçait son cerveau sur off en allant à ces soirées mondaines... Y'avait des lustres qu'il s'y était habitué à tout ce beau peuple. Pas facile les premières fois mais, il existait pire que de boire du champagne aux côtés de nanas bien nippées... Non ? Tu nous fais quoi là St-Germain ? Une crise existentielle ? Pas pour se moquer d'elle mais, c'était plus fort que lui. Cynisme habituel déguisé en humour pour détendre l'atmosphère. J'ai vu ouais. qu'il avait rajouté ensuite après qu'elle ait insisté sur la présence de ses parents. Il aurait préféré que ces derniers se trouvent à un autre événement. Ou pas à New York carrément. Coïncidence mortelle. J'comptais me planquer aux toilettes en t'attendant avec mes coupes de champagne comme convenu mais tu m'es rentrée dedans juste avant. qu'il s'était ensuite exclamé en haussant des épaules et en rangeant ses mains dans les poches de son pantalon taillé sur mesure. Le froid ça avait un côté réconfortant mine de rien. Ça le faisait sentir vivant. À cause de l'inconfort que cela générait... Ça lui faisait prendre conscience d'à quel point son corps pouvait être résistant et chaud à l'origine. Assez contradictoire mais, vrai. J'te suis. J'envoie juste un message aux autres pour leur dire qu'on est là bas sinon j'sent qu'ils vont nous prendre la tête. Et par ils, Rhys sous entendait le duo de cœur. Surtout la reine.