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Rendez vous fixé la veille. Comme convenu, Aedan passe acheter d'quoi accompagner le repas, une bouteille de vin abordable mais reconnue comme délicieuse. C'est loin d'être un grand connaisseur l'policier. Il se heurte souvent à cette incapacité à choisir une bouteille, le plus souvent, elles sont bouchonnées ou ont simplement un goût de piquette. Croisons les doigts pour que celui du jour face exception à la règle. C'est avec son bien en main qu'il se dirige vers le domicile de son ami. Un des premiers qui a su percer son quotidien après son départ du cirque. Avec une détestation commune pour leurs anciens patrons -un enculé misogyne qui se donnait plus d'importance qu'il n'en avait-, ils avaient noué une amitié forte qui avait traversé le temps et les épreuves. Ca doit faire quelques semaines qu'ils n'ont pas été amenés à partager un moment ensemble. Eux qui peuvent passer un bon mois sans se donner de nouvelles. Ca n'empêche pas qu'ils sont toujours ravis de se retrouver et de partager un moment. La franchise comme maitre mot, intimité qui s'veut maladroite, comme à peu près dans toutes ses relations à Aedan. Il sait pas trop y faire quand les émotions sont en jeu, même lorsqu'elles sont simplement amicales. Mais il est présent et s'dit que ça suffit.

Il arrive enfin d'vant le bâtiment et triomphe pour arriver à la porte d'entrée. Quelques coups contre celle ci et la silhouette d'Azaël pointe le bout de son nez. salut. Bouteille qu'il redresse de son bras pour lui montrer qu'il n'est pas venu les mains vides, comme convenu. Il aurait peut être du prendre de la bière finalement devant le regard goguenard de son pote. alors, tu t'en es sorti avec la bouffe. qu'il ajoute, un pied qu'il pose à l'intérieur de la maison après y avoir été invité. La fatigue s'lit sur les traits du Blackwell en tout cas, il ne pourra pas faire illusion bien longtemps. Si Aedan n'a pas besoin de cumuler beaucoup de sommeil pour survivre à sa journée, il n'a pas assez d'heures au compteur pour être en forme. Entre le travail et ces pensées un poil volées par celle qu'il ne peut pas avoir pour un bon million de raisons. ça va sinon ? qu'il demande finalement à son attention même si cette question entraine souvent une réponse positive. Quoi que son ami est assez à l'aise avec lui -il l'espère- pour venir lui dire la vérité en cas de coup d'mou. Et il aurait tout à fait le droit à des instants nostalgiques le Keats. Après tout, la vie a décidé de n'pas toujours être charmante avec lui.

Une petite maison de briques rouges, identique à ses voisines, au bout d’une courte allée dont le délaissement donnait là l’image d’un lieu hanté. Le jardinage, pas plus que la décoration ou les travaux de rénovation, c’était pas vraiment le truc d’Azaël. Pas le temps, rétorquerait-il d’un haussement d’épaule. En cuisine, on aurait dit un apprenti sorcier abandonné par son maître, ou Mickey le magicien qui tentait de rattraper les pots cassés : sur le feu, le poulet se dorait la pilule, et il fallut un grand effort de mémoire pour lui éviter de noircir. Pendant ce temps, tomates, poivrons et oignons étaient hachés menus dans le plus grand des désordres. L’esprit bordélique, Azaël faisait un chef pitoyable mais en l’occurrence, il s’appliquait vraiment pour recevoir son ami. Pas question cette fois-ci de transformer cette soirée en soirée pizzas.

Le vieux Grumpy vint perturber le peu d’organisation qu’il avait réussi à instaurer en tentant de faucher un morceau de poulet. « Voleur ! Fous-moi l’camp, le hobbit joufflu ! » pesta Azaël en l’attrapant avant qu’il ne parvienne à se faire la malle. Miaulement mécontent, vexé même, surtout lorsque l’esclave humain lui claqua la porte de la cuisine au nez. Le temps qu’il comprenne qu’il pourrait faire le tour, puis essayer de sauter sur la table-bar qui séparait la cuisine du séjour… Bon, où en était-il… Flûte, ajouter la sauce ! Baisser le feu… ouf, il avait frôlé la catastrophe.

Lorsqu’on frappa à la porte en contrebas – le rez-de-chaussée servait en fait de garage et atelier – le vieux cow-boy avait miraculeusement terminé ses préparations et dressé la table. Woah, c’est qu’il risquait de s’améliorer vraiment, en plus. N’empêche, avec sa trombine hirsute, sa barbe salée négligée et ses lunettes un peu de traviole, sans oublier, pour clou du spectacle, ses pantoufles à têtes de chat fluffy, Aedan aurait toutes les raisons du monde de bien de foutre de lui. Il renvoyait là l’image parfaite du quinquagénaire à la dérive, ou dépassé par les événements de sa propre cuisine. Porte ouverte sur le visage fatigué de son ancien partenaire de crimes, martyrisés qu’ils avaient été par le pire patron de la région. Les traits d’Aza se fendirent d’un sourire sincère. Tandis que le froid du dehors s’engouffrait sans y être invité, à en faire frissonner ses épaules un peu voutées juste recouvertes d’un débardeur taché estampillé « vieillerie AC/DC », il se décala pour laisser entrer son hôte.

Le regard noisette détailla la bouteille et il ne put s’empêcher une remarque : « Hey, wow, t’as cru que j’avais ouvert un restaurant gastronomique ? » L’expression s’en sortir avec la bouffe était vraiment la plus adaptée pour qualifier ses exploits culinaires. D’un hochement de tête, et alors qu’il invitait Aedan à se débarrasser, confirmation d’une victoire en demi-teinte : « De justesse. J’espère que t’aimes les épices, j’crois que j’ai eu la main lourde dessus. » Ou alors l’avait-il fait exprès dans l’espoir de voir son ami cracher du feu ? Ça ne serait pas du tout son genre.

Au salon, l'antique plancher protesta en grinçant – pour une fois, ce n'était pas Grumpy, il se contentait de bouder sur le canapé – mais les garnitures des fajitas exposées sur la table haute les accueillait d’une bonne odeur. « Mouais, ça va. Quoique, maintenant que je vois ta tronche, j’hésite. » S’il était d’humeur à taquiner, c’était la preuve qu’il n’était pas déprimé. En revanche, Aedan ne faisait pas longtemps illusion, surtout face à la franchise fleurie d’Aza : « Toi par contre… on dirait que tu sors de trois jours de stage chez les SEALs. T’as couru après des voyous dans toute la ville ou quoi ? » Il le laissa prendre ses aises dans ce séjour qu’il connaissait déjà bien, partit à la recherche d’un tire-bouchon et des fraicheurs de l’apéro – un coca pour lui, une bière pour Aedan. « Allez, tu peux tout raconter au vieux Aza. Promis, j’me moquerai pas. »

Un rire rauque et étouffé s'échappe de ses lippes quand il croit bon d'préciser qu'il obtiendra pas l'étoile Michelin cette année. Aedan n'a pas beaucoup de doutes là dessus en même temps, s'il n'est pas tout à fait au clair avec sa maitrise des cuissons et des plats, il sait cependant qu'ils choisissent souvent de commander des pizzas et ça veut tout dire non ? Pompes et manteau qu'il retire pour les laisser en bas, histoire de ne pas dégueulasser toute la maisonnée. alors les épices ne me dérangent pas. même s'il commence à s'dire qu'il aurait peut être du prévoir un plan B au magasin en même temps que l'achat de la bouteille de vin. Il grimpe à l'étage, suivant de près son ami. tes chaussons on en parle ou... Sans déconner ? Qui porte ce genre de trucs à son âge, des charentaises auraient fait le même effet mais auraient au moins été adaptés à son style de vie. Il lève les yeux au ciel. La franchise qui a toujours été de mise entre eux, ils ne mâchent pas leurs mots même s'ils sont loin de TOUT se raconter. Passé sur lequel Aedan a préféré laisser un flou artistique, et l'autre a eu la décence de ne pas s'attarder en questions malaisantes.

Les odeurs viennent rapidement s'infiltrer dans ses narines, fortement délectables. en tout cas, ça sent bon. En effet, les traits de son visages sont tirés, son teint plutôt pâle. Le sommeil qui manque clairement à l'appel. Si Aedan avait l'art de calfeutrer tout ça avec un peu de maquillage, ce ne serait pas de trop mais il n'a jamais été doué pour ça. Même dans son ancienne vie, c'était toujours quelqu'un d'autre qui le faisait pour lui, histoire de faire ressortir son atout le plus majeur : ses iris. Il s'étire doucement avant de venir prendre place dans le cana... Ah ben non, il ne peut pas. Grumpy est là, étalé de tout son long et semble peu enclin à lui laisser un peu de place. euh non... disons que j'dors pas si bien en ce moment. Il toise l'animal du regard, ride du lion qui s'affiche fièrement sur son visage. j'crois que ton chat ne m'aime pas. s'enquit il, sourire aux lèvres avant de venir passer une main contre sa nuque et récupère la bière que son ami lui tend. merci. La main contre sa nuque traine dans sa chevelure quelques secondes avant qu'il n'entame un monologue : on a eu deux-trois affaires un peu compliqué et oui, un p'tit branleur m'a fait courir l'autre soir. J'suis dans mon lit, allongé, j'fixe le plafond et dès que je ferme les yeux, c'est comme s'il se passait rien. Je dors pas beaucoup en général mais là... c'est pire. Quand j'ai pas des images d'Ophelia qui viennent me hanter. Enfin bref, je dors mal. Toujours debout, dans l'attente que l'chef de la maison daigne laisser une place à Aedan, il se tourne vers Azaël. ça passera. Ca finit toujours par passer non ?