chapitre 2 : fêter le nouvel an - sixtine

Quand on y pense, si le monde ne s'était pas effondré de cette façon, lui et Sixtine vivraient encore le parfait amour. La mort d'Thomas qui a été le début d'une effervescence de douleur dans l'coeur du Donovan. Déni terrifiant qui l'a poussé à ne rien dire, à masquer, à faire semblant. Excuse malhabile mais ce qui est certain, c'est que s'il était encore de ce monde, il n'aura pas commis l'irréparable. Faits divers qui font états d'une explosion d'violence, la purge comme solution depuis des années. Elle avait eu sa peau à lui. Il s'tue à faire croire au monde qu'il est pour, mais dans son myocarde, c'est plus mitigé. Plus froid. Et il s'rend compte en passant cette soirée avec sa femme qu'il a perdu trop d'temps. La route qui aurait du être plus douce. Sentiments pourtant inchangés. Il l'attend. Depuis tout ce temps. Il est comme en pause, à espérer qu'elle lui fasse un signe. Un geste qui lui redonnerait d'l'espoir.

comme le père noël ? Vraiment. T'avais pas mieux comme comparaison ? Elle et ses expressions. Il en rit. Il s'en fiche, parce que si lui est plus discret dans sa façon de chanter, il n'en passe pas moins un bon moment. Excellent même. Regard doux qu'il pose sur elle quand elle précise qu'elle ne s'est plus amusée autant depuis des lustres. Lui aussi bordel. Il ne se rappelle même pas depuis quand tellement c'est loin. déjà ? qu'il dit avec cette moue penaude sur la tronche. Il aurait plutôt vu cette nuit se prolonger jusqu'au petit matin, comme si chaque seconde comptait. Ce soir qui sonne comme la fin du monde, parce qu'il n'a aucune idée de ce qui  peut se passer demain alors il aurait voulu en profiter plus longuement. Il se résout pourtant à la suivre dans son raisonnement. si on partage, ça devrait le faire. Financièrement en tout cas. La note réglée, quelques mots pour le patron qui leurs fait promettre de revenir plus vite, de ne pas attendre quatre ans cette fois. C'est pas Oscar qui va le contredire en tout cas. il arrive quand ? qu'il dit en direction d'la jeune femme, paquet de cigarette qui s'échappe de sa poche. Sa dose de nicotine qui devient vitale. Mauvaise habitude démarrée trop jeune. Mauvaise habitude qui perdure, même s'il sait bien qu'la Ryder déteste l'odeur de sa bouche quand il a aspiré la fumée. En même temps, c'est pas comme si elle allait l'embrasser ce soir. Il est déjà heureux que son stratagème lui ai permis de passer cette soirée en sa compagnie. Une année qui démarre bien.

Pas le temps d'la terminer, la voiture se gare devant eux. Il écrase le mégot dans le cendrier près de l'entrée avant de grimper à sa suite. Ne laissant pas vraiment la possibilité à la jeune femme de se défiler au dernier moment. Espace restreint, sa main qui vient frôler la sienne alors qu'il la pose sur le côté. Epris de nostalgie, ces émotions en pagaille contre son cœur. Il se tourne vers elle et vient murmurer : c'était bien ce soir non ? validation qu'il a besoin d'entendre, comme pour prouver qu'elle a tort de le rejeter depuis tout ce temps, comme pour prouver qu'ils sont encore fait l'un pour l'autre, malgré cet écart de conduite malheureux.

Si elle avait mieux que le père noël comme comparaison ? Mieux que l'iconique grand bonhomme vêtu de rouge à la barbe blanche ? Non. Ou peut-être que si, genre Elvis Presley, mais, c'était la première image qui lui était venue à l'esprit alors... Le ho ho ho bien grave et les chants qui pourraient être utilisés en guise de torture (si, si).

― Va malheureusement falloir t'en contenter. avait-elle pouffé avant de réaliser qu'il était tard. Très tard. Trop ? Jamais trop. J'suis pas sûre de vouloir faire un tour d'horloge complet. Techniquement, ils n'en étaient pas loin... Mais deux heures de sommeil, ça ne se négligeait pas ! D'accord. Même si elle ne roulait pas sur l'or - en dépit de la fortune de sa famille -, elle aurait pu payer les deux trajets toute seule... mais soit. Elle n'allait pas chipoter là-dessus - pas ce soir (matin ?) en tout cas. Dans cinq minutes, il est au bout de la rue. qu'elle s'était exclamée ensuite en le regardant s'allumer une cigarette. Une grimace s'était automatiquement nichée sur son visage. Elle en détestait l'odeur, et il le savait. Ca parcontre, ça ne m'avait pas manqué. À deux doigts de la lui arracher du bec pour la balancer dans le caniveau. Mais, comme elle avait picolé et qu'elle savait à quel point il n'était pas friand de la voir soûle... La blondinette s'était abstenue. En réalité, elle s'était juste éloignée d'un pas - parce que même s'il recrachait sa fumée loin d'eux, c'était plus fort qu'elle. Nez délicat, pour ne pas dire sensible et capable de discerner les churros d'une charrette à trois rues, les égouts et le parfum nauséabond aux entrées des boutiques de luxe.
Une fois dans la voiture ceci dit, elle ne s'était pas faite prier pour s'affaler sur le siège arrière - à presque se vautrer sur le Donovan. Ses pieds maintenant, lui faisaient mal. L'adrénaline était redescendue et elle avait la sensation de s'être faite passer dessus (pas encore, mais bientôt) par un éléphant.

― C'était pas mal, t'as eu d'la chance dans mon malheur. qu'elle lui avait répondu, attrapant inconsciemment sa main pour jouer avec - comme avant. Il va m'entendre l'autre. Cactus. Le type d'Adopt. Ouais. Elle allait lui passer un savon. Ou le remercier. Parce que ouais, elle avait passé une bonne soirée la Ryder. Ca pouvait s'lire dans ses yeux encore pétillants, dans ses cheveux ébouriffés et sur sa tenue presque débraillée. Est-ce que son mascara avait coulé ? Sûrement. À force de rire et de se donner à fond... Elle devait ressembler à un raton laveur. Ou un panda. Merci. qu'elle avait finalement ajouté sans le quitter du regard... bien que ses prunelles se soient égarées quelques secondes sur ses lèvres. Tellement pas longtemps qu'elle ne s'en était pas rendue compte. Tellement pas longtemps qu'elle s'était sentie obligée de les scruter de nouveau et d'en suivre attentivement les courbes. Tellement pas longtemps qu'elle s'était même rapprochée un peu pour être sûre de bien les voir. Tellement pas longtemps qu'elle s'était laissée tomber dessus pour avoir la certitude que la couleur de ces dernières ne tâchait pas. Pour être certaine qu'elles étaient aussi douces qu'elles en avaient l'air.
Et c'était le cas.

Sourire timide. Il sait bien qu'la jolie blonde déteste le voir fumer, et croyez le ou non, c'est déjà un miracle qu'il se soit retenu jusqu'ici. certaines habitudes sont difficiles à changer. qu'il dit simplement en menant sa cigarette contre sa bouche. Un vice tordu. D'ceux dont on arrive pas à se défaire, comme si ça pouvait soulager tout ce qui se passer à l'intérieur. Première clope empruntée dans l'paquet de son vieux, rien que d'y penser, ça l'fait enrager l'idiot. A l'époque pourtant, ça lui semblait être la meilleure des idées, même après avoir craché ces poumons, parce qu'au bout de quelques taffes, il a eu comme cette impression d'voler et il s'est senti bien. Tare dont il ne pourra jamais s'défaire de toutes façons, c'est ancré dans sa peau comme un tatouage. Le Uber arrive et il écrase son mégot dans l'cendrier devant le bar avant de prendre sa suite à l'intérieur. Enfin, avec ce qu'il reste de place puisque boucle d'or semble bien décidée à s'étaler. Ses pieds qu'il soulève pour s'installer avant de venir les masser tendrement, comme par habitude quand elle avait décidé d'foutre des chaussures beaucoup trop inconfortables et qu'elle souffrait. Sans vraiment s'en rendre compte d'ailleurs. Précisant par la même occasion que la soirée était bonne. Persuadé que ce beau moment allait s'arrêter dans quelques minutes, sur l'pas de sa porte.

Elle proteste, précise que l'autre va s'faire pourrir et ça l'amuse lui. Parce qu'il sait qu'elle va s'emboucaner contre du vent. Adolescente revêche. Les insultes risquent même d'être de la partie. oublie le tu veux ? Traits tirés par l'épuisement, il maintient pourtant son regard dans le sien, se noyant totalement dans ses orbes noisettes. Celles qu'il ne se lassera jamais d'admirer. Remerciement. Le silence s'impose ensuite mais la tension se charge d'une électricité détonante. La suite est imprécise dans le cerveau du Donovan. Elle se rapproche de lui, trop pour ne pas provoqué un désir immense au creux de son bassin. Il sent son myocarde s'effondrer. Son corps en ébullition qui lui fait payer les quatre années de sevrage et la revoilà en train de proposer une dose. Bien sûr qu'il va dire oui. Accroc. Il se joint à l'échange avec passion. Ses mains qui quittent les pieds de la jeune femme pour encadrer son visage. Y'a quand même cette part de lui qui s'dit : merde, c'est en train d'arriver. Grandiose. Phénoménale. Mieux encore que dans ses souvenirs. Sans doutes que le manque y est pour quelque chose. Visage qu'il recule une seconde pour respirer et prendre une position plus adéquate, son corps qui vient surplomber celui de la jeune femme. Il en oublie même carrément le chauffeur qui assiste à une scène interdite au moins de seize ans en direct. Il la regarde, iris sombres et joueurs. Ce qu'elle a pu lui manquer. Ses lèvres retrouvent très rapidement le chemin vers les siennes qu'il dévore sans la ménager une seconde. De toutes manières, c'est trop tard maintenant, ils sont allés trop loin pour dire stop.

Sixtine se doutait bien qu'arrêter la cigarette n'était pas une chose facile à faire - raison pour laquelle elle ne lui en avait absolument pas tenu rigueur au moment où elle avait décidé de poser ses lèvres sur les siennes. En réalité, le massage qu'il lui faisait avait beaucoup aidé à le pardonner sur ce point là. Vieille habitude. Évidemment que son souffle et que le goût l'avaient dérangé mais, pas autant qu'elle ne l'aurait cru. En fait, c'était même passé au second plan. Cette soirée avait eu comme un effet apaisant et réparateur sur elle. Sur ses blessures encore ouvertes. Comme si passer du temps en sa compagnie avait enrobé son cœur dans un bandage.

Est-ce que c'était ainsi qu'il fallait qu'elle se reconstruise ? Est-ce que c'était en étant avec lui plutôt que sans lui qui allait la guérir de ses incertitudes et de sa paranoïa ? Il lui avait manqué Oscar. Il lui avait foutrement manqué.

Au point où se détacher de ses bras lui avait paru difficilement réalisable - au plus grand bonheur de leur chauffeur qui ne devait plus totalement savoir où se mettre. Peut-être que cela n'était pas la première fois que deux personnes lui salopaient sa banquette arrière... même s'ils n'en étaient pas encore tout à fait là. Quoi qu'à force de se chercher, de glousser entre deux baisers et de se toucher comme des toxicomanes en manque... Y'avait cette envie de s'arracher les fringues et de partir en cacahuètes. Mais, en ne s'abstenant pas un minimum, ils risqueraient de se manger un procès ou les flics au cul pouf exhibitionnisme. Dieu merci, la voiture s'était arrêtée quelques minutes plus tard et - sans un mot, le chauffeur s'était contenté de valider sa course après avoir verrouillé ses portières.

Oui, Oscar était descendu. Sixtine ne lui avait pas lâché la main. C'était elle même qui l'avait tracté hors du véhicule pour l'attirer jusqu'à son appartement. L'excitation à son paroxysme, au point de faire un léger trou dans le mur du couloir adjacent au hall d'entrée. L'arrière de sa tête allait sûrement avoir une bosse mais, y'avait encore trop d'adrénaline dans son corps pour qu'elle ne fasse plus que de grimacer suite au choc. Après ça, après que la porte de son domicile ait été claquée et que ses chaussures aient enfin été balancées quelque part au beau milieu du salon - on pouvait enfin dire que les étincelles s'étaient transformées en flammes. Jusqu'au matin. Jusqu'à ce qu'elles ne redeviennent que des braises.