lost in doubt — sixtine

Au lendemain de la 9e Purge, aux premières lueurs du soleil sonnant l’arrêt tacite de ce massacre infernal, Jinx s’était jetée sur son téléphone pour obtenir des nouvelles de Sixtine. Morte d’inquiétude pour sa meilleure amie, peu sereine de n’avoir pas pu être réunie avec elle pour supporter ce calvaire, elle n’a pas su fermer les yeux de la nuit. Avalanches de textos pour s’enquérir de la situation, pour s’assurer de son bien être, asphyxie des premiers instants s’échappe pour rendre les couleurs au visage de la brune. À sa plus grande surprise, le sujet Oscar était venu sur le tapis : visiblement, c’était chez elle qu’il a trouvé l’asile et la protection. Cohabitation temporairement chaotique le temps d’une nuit, elle n’a pu que grimacer par solidarité féminine. Aussi, de fil en aiguille, et de manière totalement spontanée, elles ont pu faire tourner la roue des émotions qui s’engage pour la blonde. Suspendue entre deux courants contraires, Jinx s’efforce tant bien que mal de garder le cap afin de ne pas se laisser emporter d’un côté plus qu’un autre. Il y’a Scar d’un côté, Sixtine de l’autre, et son amour commun qu’elle leur porte à l’un comme l’autre sans aucune distinction.

Il y’a un désir de compréhension dans sa démarche. Peut-être même qu’au fond, elle a cette volonté inavouable de les voir s’élever et atteindre l’épanouissement qui les ôtera de cette spirale destructrice. Sans trop savoir ce que ça valait, Jinx évoque l’idée à sa blonde préférée de faire appel à un thérapeute pour y voir plus clair. Dans ses ressentis, dans ses croyances personnelle et sur le monde. Que peut-être, un point de vue externe saura lui pointer une autre façon d’apprécier la situation. On ne pouvait pas dire qu’elle n’avait pas perçue toute l’appréhension de Sixtine derrière ses réponses à la suggestion. Parce qu’il y’avait une peur de l’inconnue sous-jacente qui animait cette dernière, Jinx n’hésita pas à se proposer de l’accompagner pour la soutenir dans cette démarche qu’elle acceptera ou non de mener.


ㅡ On y va quand tu te sens prête, ok ?

La main glissée dans la sienne, Jinx partage un pan d’effroi avec son amie devant la devanture du cabinet médical. Pas pour le même combat, mais pour autant sortir de son penthouse après des mois de harcèlement lui est difficile. Lui demande un effort phénoménal. Et pourtant, la savoir à ses côtés lui donne toute la force d’affronter cette épreuve avec elle.

Est-ce que c'était vraiment à elle de voir un·e psychologue ? Sixtine se posait intérieurement la question en boucle. Elle avait un peu discuté avec Oscar de tout ça, mais aussi avec Jinx. Elle était d'accord sur le fait qu'en parler pourrait l'alléger mais, en même temps, la personne nécessitant le plus une consultation des deux... était définitivement Oscar. Est-ce que lui était aussi enjoué à l'idée de se faire "examiner" par un·e inconnu·e ? Pas du tout. Vraiment, absolument pas. Lui, il voulait qu'ils parlent ensemble. Face à face. Tête à tête.
La Ryder savait pertinemment qu'elle n'était pas toute blanche dans leur histoire d'amour, son problème avec l'alcool en était d'ailleurs l'une des nombreuses preuves. Elle était aussi le genre à piquer des crises et à envoyer péter des objets aux quatre coins de son appartement... Une furie.
Toutefois, ces choses là n'appartenaient qu'à l'épicentre du problème. Quel en était l'hypocentre ? Et le foyer ? Qu'est-ce qui avait réellement causé toutes ces failles chez eux ? Pour quelles raisons était-il allé en voir une autre ? Une... de la bande en plus. La sœur de Frasco.
Sixtine espérait que la·e psychologue en aurait les réponses. Il suffisait juste qu'elle parvienne à franchir la porte du cabinet. Qu'elle ne se dégonfle pas à la dernière minute.

ㅡ J'crois que j'ai peur qu'on me dise ce que je n'ai pas envie d'entendre. avait-elle marmonné, sa main liée à celle de la Bishop.
Elles étaient là, plantées devant le bâtiment, à fixer les plaques dorées avec les noms gravés.
Bordel. T'es pas sortie de chez toi pour rien. Le visage tourné vers elle, puis derrière son épaule - dans le cas où des types malintentionnés traineraient dans le coin avec leurs appareils. J'ai envie que les choses s'arrangent. Profonde inspiration avant d'oser faire un pas en avant pour rentrer dans le hall et se présenter tout de suite à une espèce de réceptionniste qui les avait renvoyé dans une salle d'attente à l'étage supérieur.
Les salles d'attente... ces endroits merveilleux où le silence pèse tellement qu'on a envie d'hurler.
Il n'y avait qu'elles pour l'instant.

ㅡ Tu crois qu'ils te laisseront rentrer lors de la séance ? J'sais... pas comment ces choses marchent. Mais j'ai pas envie d'être seule.

L’idée a été suggérée sur un coup de poker. Fonce, on sait jamais sur un malentendu ça peut le faire, qu’on dit non ? Un truc du genre. À vrai dire, elle n’en sait trop rien Jinx. Ne sait pas si ça va marcher, si ça permettra de débloquer quelque chose. Elle ne laisse rien transparaître sur son faciès, mais une chose est sûre : se renseigner ne coûte rien. Parce que ça n’engage à rien, il est préférable d’agir que rester immobile, incapable de se dépêtrer de la situation problématique. Puis il y’a la question Oscar, encore et toujours. Peu enclin à la proposition, la brune observe le bâtiment, pas très sereine. Elle s’en voudrait d’une certaine manière d’avoir déversé l’huile sur le feu sans avoir la certitude que cela ne créera pas un retour de flammes. Et si Sixtine se lance dans une thérapie, mais qu’elle se retrouve bloquée dans sa progression par manque d’acceptation de son mari ? Et si cela créait plus de déception que d’amélioration ? Tant de craintes silencieuses qui bourdonnent dans ses oreilles et hurlent dans son encéphale. Qu’elle tente de faire taire par tous les moyens possibles, en passant par le contact physique d’une main chaude qu’elle attrape entre la sienne.

ㅡ Il n’y a pas de place au jugement. Et si jamais ils te font te sentir mal, je leur arrache la tête. Elle observe les innombrables praticiens qui exercent à l’intérieur du centre médical, et s’imprègne de la polyvalence des soignants. Il y’en a pour tout les besoins, c’est bon à savoir. ㅡ Te voir n’est jamais une sortie inutile, même si on repart sans rentrer. Des mots essentiels qu’elle se permet de réitérer, comme pour lui rappeler qu’il n’y a pas de ça entre elles. Pour autant en les prononçant, elle veut lui apporter toute la réassurance possible afin de lui faire comprendre qu’elle l’accompagnera quel que soit son choix. Elle ne peut s’empêcher de suivre son regard, d’examiner à son tour les environs. Pas l’ombre d’un photographe pour le moment, elle ne voudrait pas que la blonde soit attrapée sous les flashs devant ce bâtiment. Ni elle-même d’ailleurs. ㅡ Je l’espère aussi, il le faut. Pour elle. Toujours pour elle. Parce qu’elle est sa priorité.

L’attente en salle commence, vide de personnes. Elle observe le comptoir du secrétariat avant de répondre en haussant les épaules. ㅡ Hum je ne suis pas certaine, c’est ton espace personnel à toi ils diront je suppose. Mais je peux rester à côté de la porte, à tout moment si ça va pas, je suis là. Un compromis pour répondre à son anxiété verbalisée.

Sixtine, elle puait le stress dans cette salle d'attente. Ses mains étaient moites - elle en était désolée pour Jinx d'ailleurs - et son estomac était également complètement noué. Si les nœuds pouvaient eux-mêmes aussi avoir des nœuds...
Elles ne pouvaient pas s'être ramenées jusque devant ce bâtiment sans en franchir la porte d'entrée. Sixtine était déjà bien reconnaissante que la Bishop soit sortie de son nouvel appartement - ça n'était clairement pas pour se dégonfler et ce, même si elle l'avait rassuré que ça n'était pas si grave que ça.

ㅡ J'pense que j'aurais dû picoler avant d'venir. T'as pas... d'la vodka ou d'la tequila sur toi à tout hasard ? Comme dans les films. Dans une flasque planquée dans la poche intérieure d'un trench coat. Un shot ou deux pour la détendre. Rien que ça. Il le faut. Des paroles suffisamment motivantes pour qu'elles puissent s'installer dans cette pièce stérile - quoi que recouverte de posters de prévention. Ca n'sentait pas bon dans cette salle. Ca sentait pourtant le propre (tout ce dont Sixtine raffolait, maniaque du ménage à ses heures perdues). Cependant, ici ? Y'avait de quoi lui foutre la nausée. O-oké. Est-ce qu'elle allait réussir à se livrer en étant toute seule ? La Ryder n'en avait pas la moindre idée. Ca avait donné un côté encore plus sérieux à sa présence ici et...

ㅡ Madame Donovan ? C'est à vous.

ㅡ C'est Ryder ! qu'elle avait répondu aussitôt - l'habitude prise en quatre ans de corriger les gens même si, officiellement, elle était encore une Donovan. Sa Donovan. À lui. À Oscar. Enfin, Sixtine. Je m'appelle Sixtine. Sa main s'était resserrée sur celle de la mannequin, l'air de dire "putain j'vais tourner de l'oeil m'lâche pas." Est-ce qu'elle peut m'accompagner ? Le regard de la vieille femme qui l'avait appelé s'était posé sur la brune et elle avait soupiré avant de tourner les talons sans rien dire de plus. Ca, ça voulait dire non. Jinx, j'vais me pisser dessus. Et elle était très sérieuse la Ryder. L'angoisse, ça lui donnait envie d'aller aux toilettes. Petite vessie. J'espère que c'est qu'la secrétaire, elle me terrifie. Si c'était cette vieille peau sa psy ? Seigneur. Non.